Le Cyberpunk connaît ces derniers temps un certain regain et ce n’est pas cet « Observer » qui prétendra le contraire tant cette œuvre puise dans les grands noms du genre pour nous offrir une sorte de pot-pourri de tout ce qu’a produit cette mouvance depuis les années 80. Alors si vous êtes fan de Matrix, de Ghost in the Shell, de Strange Days ou bien encore de Blade Runner, ce jeu est indéniablement fait pour vous ! Foi de Rutger Hauer…

COMME LES LARMES DANS LA PLUIE

Il pleut en cette nuit glaciale polonaise. Nous sommes plus précisément à Cracovie, en 2084. Comme à son habitude, l’inspecteur Daniel Lazarski occupe ses longues journées d’ennui par une sieste assis au volant de son véhicule. Un appel de routine de sa supérieure le sort de sa léthargie quand soudain un hacker prend le contrôle de ses systèmes de communication, ce qui est déjà en soi une sacrée prouesse vu les pare-feux dont sont pourvus les engins de la police.

Il se révèle que ce pirate informatique n’est nul autre qu’Adam, le fils perdu de vue depuis trop longtemps. Ce dernier appelle son père à l’aide au milieu de propos cryptiques, avant de perdre la connexion. Aussitôt Daniel lance la localisation de cet appel au secours, qui s’avère être un vieil immeuble d’un district de classe C. Pas le grand luxe mais il y a pire. Cependant cela n’enchante guère l’inspecteur qui ni une ni deux se rend sur place pour mener l’enquête. Et pourquoi pas renouer contact avec son garçon...

Les premières minutes d’Observer en mettent clairement plein la vue et laissent présager d’un jeu exceptionnel, qui pourrait devenir rien de moins que le nouveau Deus Ex. Son ambiance pesante et ses environnements hallucinants font de ce thriller futuriste un objet très singulier qui nous happe dès les premières secondes. Et ce sans oublier sa voix off très travaillée - de Rutger Hauer en personne - qui donne à cette œuvre profondément cyberpunk un côté polar Hard-boiled très marqué.

Malgré tout on finit assez rapidement par percevoir les limites de l’exercice. Car bien que la proposition reste captivante de bout en bout on finit par comprendre que l’ensemble de notre enquête se déroulera uniquement au sein de ce vieil immeuble défraîchi. Cela laisse de quoi faire mais nos folles ambitions sont tout de suite ramenées à la réalité de ce qu’est un jeu AA (fort bien produit par ailleurs).

En effet suite à une suspicion de contamination d’une puissante peste digitale s’attaquant aux cyber-implants, tout le bâtiment est placé en confinement. Un événement qui empêche quiconque d’entrer ou de sortir des lieux. Pour Daniel, c’est l’occasion de mettre son nez dans les affaires des différents occupants de ce sinistre endroit, tout en suivant les traces d’Adam au sein de plusieurs appartements.

Car le rejeton a laissé des traces sur son sillage, c’est le moins que l’on puisse dire au vu des cadavres qui jonchent le plancher…

CONNEXION ÉTABLIE, MAJOR

Cette aventure glauque au possible use cependant d’un artifice fort malin pour nous faire sortir de ce huis clos de manière métaphorique, via une pratique que je n’ai pas encore présenté : la connexion neuronale.

Parce que oui, notre bon Daniel, en tant qu’enquêteur dans un univers cyberpunk, est pourvu de nombreuses améliorations cybernétiques, dont la capacité de se brancher directement dans l’esprit de quiconque (dans cet univers, tout le monde est pourvu d’améliorations, à de rares exceptions). Ce qui nous fait donc vivre à intervalles réguliers des purs moments de dingueries visuelles et/ou spirituelles, à revivre de manière alambiquée les grandes étapes de la vie de quelques concitoyens.

Ces séquences sont toujours des grands moments de mise en scène tordue et de délires graphiques qui confirment encore plus - si cela était possible - Observer comme une expérience à nulle autre pareille.

Cette possibilité servira principalement au cours de nos investigations à aller farfouiller dans les esprits des défunts que nous croiserons soit au cours de l’enquête principale soit au cours des enquêtes secondaires pour tenter d’en apprendre plus sur leurs derniers instants de vie.

Cependant cette morbide possibilité à un prix, qui consiste en une pilule à absorber de manière régulière pour ne pas se laisser ‘déborder’ par cette technologie certes puissante mais tout aussi dévorante (physiquement et psychiquement).

Le reste du temps, il s’agira d’investigation « à l’ancienne », à savoir fouiller placards et tiroirs pour dénicher la bonne piste qui éclairera d’un jour nouveau les affaires en cours. Il faudra donc fouiner du mieux possible dans les différentes pièces et ce ne sera pas si évident que cela tant les différents décors baignent dans un bazar permanent et une crasse à faire vomir.

De temps en temps, il faudra également chiner des infos dans des ordinateurs qui demanderont pour ce faire de dégoter auparavant quelques codes d’accès voire de choisir judicieusement les dossiers à ouvrir. Viendront pour pimenter le tout quelques énigmes environnementales qui pourront vous mettre en défaut un petit moment.

À cela s’ajoute le fait que l’immeuble est plus que labyrinthique et qu’il faudra un long moment avant de se repérer au sein de tous ces couloirs pas toujours en bon état. Sans parler de la cave...

PILULE BLEUE ET PILULE ROUGE

Alors qu’on parcourt la lugubre bâtisse de la cave au grenier à résoudre des affaires toutes plus tordues les unes que les autres, on finit - malgré l’émerveillement permanent face à la proposition graphique - par se lasser devant ce qui ressemble de plus en plus à un train fantôme vidéoludique au parcours trop calibré. Ce qui durant les premières heures va faire la force du titre va irrémédiablement se transformer en sacerdoce, tant et si bien qu’au bout d’un moment, ayant compris les mécaniques du jeu on traverse les différents décors en courant sans rien capter alentour, juste pressé d’arriver à la véritable prochaine étape importante du parcours.

Parce que d’une part une grande partie de nos pérégrinations ne seront en fait rien d’autre que du remplissage - certes de belle facture - mais aussi car malgré le lieu d’habitation nous ne croiserons que très peu de personnages secondaires. Quatre à tout casser et encore je compte large en intégrant ce qui serait légitimement sujet à caution. Donc pas d’ennemi, aucun adversaire, pas un seul antagoniste (c’est faux il y a bien des « méchants » mais en parler réduirait leur impact pour vous, futur joueur).

Alors attention, je précise que je parle de personnages secondaires « physiques » que l’inspecteur Lazarski va rencontrer « pour de vrai ». Car en l’état il va côtoyer pas mal de monde, mais uniquement en vocal à travers les interphones de chaque appartement. Parfois paniqués, parfois lunatiques, tout le temps bizarres, ces occupants ne seront pas franchement rassurants lors de vos échanges. Vos choix de dialogues seront alors impactants pour réconforter ou non vos interlocuteurs voire pour obtenir quelques renseignements utiles pour la suite des investigations.

Et c’est donc à travers ces discussions que se déclencheront parfois des petites enquêtes parallèles qu’il vous conviendra de résoudre ou non (cela n’a aucune incidence ni sur notre héros ni sur l’intrigue principale). Il est cependant préférable de les faire tant leur mise en scène est réussie et amène à quelques belles séquences. Et à quelques moments d’effroi très efficaces !

Avant de commencer ma partie, je connaissais la (bonne) réputation de cet Observer. Et pourtant je n’étais pas prêt à découvrir une telle maestria tant graphique que scénaristique. Le parti-pris jusqu’au-boutiste des développeurs laisse béat d’admiration et cette version ‘System Redux’ - ultime si vous préférez - ne fait que renforcer ce sentiment.

Il faut toutefois avoir une certaine affinité avec le cyberpunk et son univers pas franchement versé dans la gaudriole pour apprécier ce thriller numérique qui vous emmènera très loin dans ses délirantes vallées, entre découvertes macabres et séquences horrifiques oppressantes.

Malheureusement au bout d’un moment on perçoit le fond du système de jeu qui finit par amener une certaine lassitude, car même si la mise en scène reste toujours constante dans sa qualité on comprend que notre cheminement au sein de ces univers mentaux est constitué à 80 % de zones de remplissages où l’on ne risque strictement rien. Cela n’empêche cependant pas d’être complètement saisi par ce titre hors du commun qui restera longtemps dans la mémoire des joueurs qui s’y seront essayés...